Vous avez sans doute vu passer ces publicités sur YouTube. Ces fameuses vidéos où l’on vous promet monts et merveilles en devenant freelance : liberté totale, revenus confortables, travail depuis Bali ou Lisbonne… Le freelancing serait, selon ces vendeurs de formation, l’avenir du travail. Mais faut-il croire à ce discours bien huilé ? Derrière le marketing, quelle est la réalité du freelancing aujourd’hui en France ?
État des lieux du freelancing en France
Le freelancing a connu une croissance spectaculaire ces dix dernières années en France. Selon une étude de l’INSEE relayée par Made-in-entreprise.fr, le nombre de freelances a augmenté de 145 % en dix ans, atteignant 1,2 million en 2022. D’après une enquête menée par Statista en 2023, plus de 3,3 millions de personnes exercent une activité freelance en France, tous statuts confondus. Ce chiffre comprend :
- les auto-entrepreneurs (statut simplifié créé en 2009, très prisé pour sa facilité de gestion)
- les travailleurs indépendants classiques (soumis au régime réel, avec une gestion comptable plus lourde mais plus de possibilités de déductions),
- les freelances portés par des structures juridiques plus complexes (environ 8 % des freelances selon une estimation de Freelance.com, incluant les consultants en portage salarial et les indépendants en EURL, SASU ou autres statuts d’entreprise).
Motivations et réalités du freelancing
Ce succès s’explique notamment par la flexibilité qu’offre ce statut. Travailler d’où l’on veut, choisir ses clients, organiser son emploi du temps selon ses envies : des arguments qui séduisent, surtout chez les jeunes actifs. L’étude LesMakers.fr indique que la principale motivation des freelances reste l’autonomie (pour 88 % d’entre eux), suivie par la volonté de fuir les contraintes hiérarchiques et de trouver un meilleur équilibre de vie.
Le profil des freelances en France est varié. Toujours selon LesMakers.fr, 45 % sont des femmes. La majorité travaille depuis chez elle (61 %). C’est dans les secteurs du numérique et de l’IT que l’on retrouve le plus de freelances. On y rencontre notamment :
- développeurs web
- designers
- rédacteurs
- consultants SEO
- community managers
Des métiers qui correspondent souvent à ceux que les vendeurs de formations mettent en avant. Cependant, depuis l’émergence des outils d’intelligence artificielle, certains de ces métiers – notamment la rédaction, le design graphique et le community management – sont en pleine transformation. D’après une étude publiée par McKinsey & Company en 2023, près de 30 % des tâches dans ces domaines peuvent déjà être partiellement automatisées, ce qui pousse les freelances à adapter leurs compétences et à se positionner sur des missions plus stratégiques ou créatives. Par exemple, un rédacteur web peut se différencier en se spécialisant dans la stratégie éditoriale, la conception de contenus complexes ou l’écriture optimisée pour le référencement, des tâches moins facilement automatisables et à forte valeur ajoutée.
Secteurs porteurs et opportunités
Mais qu’en est-il de la réalité financière ? Selon l’étude de Freelance.com publiée en 2023, le revenu annuel moyen d’un freelance français s’élève à 37 000 euros bruts par an. Ce chiffre cache toutefois de fortes disparités. Un débutant, surtout dans des métiers très concurrentiels comme la rédaction ou le graphisme, peut peiner à gagner 1 200 euros nets par mois (soit 14 400 euros par an).
À l’inverse, certains freelances experts dans des domaines très techniques ou en forte demande (comme la cybersécurité ou la data) peuvent dépasser les 60 000 voire 80 000 euros par an. Tout dépend de votre niche, c’est-à-dire le domaine précis dans lequel vous vous positionnez. Une niche bien choisie vous permet de cibler une audience claire et de répondre à un besoin spécifique. Par exemple, un développeur web qui se spécialise dans la création de sites e-commerce pour les boutiques Shopify aura plus de chances d’attirer des clients premium qu’un développeur « généraliste ». Pour bien définir votre niche, interrogez-vous sur vos compétences distinctives, vos centres d’intérêt et les besoins du marché.
Ajoutez à cela des réalités moins glamour :
- l’irrégularité des revenus
- la charge administrative
- la prospection constante
- la responsabilité de tout gérer seul
Et cette petite liste vaut la peine d’être mentionnée, car elle ne figure jamais dans les pubs YouTube des vendeurs de rêve freelance (vous savez, celles où tout a l’air simple et glamour).
Le freelancing offre certes de la liberté, mais souvent au prix d’une dose de stress. L’article de Made-in-entreprise.fr rappelle d’ailleurs que près de 30 % des freelances abandonnent cette voie dans les deux premières années.
La question est donc posée (et elle va être « répondue ») : est-ce que ça vaut le coup de se lancer ? Si vous aspirez à un mode de vie plus libre, si vous avez une compétence recherchée et l’envie d’entreprendre, le freelancing est une excellente voie. Mais sachez-le, le chemin n’est pas sans embûches. Se former, tester le marché, se construire un réseau solide et surtout, avoir une stratégie claire sont indispensables.
Le freelancing a bien la cote, mais il ne convient pas à tout le monde. Loin des promesses marketing simplistes, c’est un mode de travail exigeant qui peut être très gratifiant si vous l’abordez avec lucidité. Avant de sauter le pas, posez-vous les bonnes questions : qu’avez-vous à offrir ? Quelle est la demande ? Et êtes-vous prêt à endosser tous les rôles de votre propre entreprise ?
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : en tant que freelance, vous êtes votre propre patron, votre propre commercial, votre propre gestionnaire. Et si cela vous motive, alors peut-être que oui, le freelancing est fait pour vous.